Abdou Aziz Thiam : « J’ai très mal vécu mon départ de l’AS Monaco »

Abdou Aziz Thiam n’avait pas le temps. Passé par Mantes-la-Jolie, il a intégré l’INF Clairefontaine à 12 ans. Membre de génération 97, il a fait ses classes aux côtés d’Allan Saint-Maximin, Amine Harit ou encore Florian Ayé. Un parcours sans fautes qui l’a mené ensuite à l’AS Monaco, où il avait déjà signé un contrat ANS à 11 ans. « À mes 15 ans, j’ai rejoint le centre de formation de Monaco. J’ai commencé avec un contrat aspirant, puis deux ans après, j’ai signé mon premier contrat pro d’une durée de trois ans », nous raconte-t-il. Des débuts canon pour ce talent précoce, qui a toujours eu un temps d’avance. « En 2014, j’ai intégré le groupe professionnel. C’était un rêve qui devenait réalité. Derrière moi, j’avais Luis Campos, qui était le directeur sportif à l’époque, et Leonardo Jardim, qui venait d’arriver. Certains étaient opposés à mon intégration dans le groupe pro. Après quelques séances et aux vues des prestations fournies, les opposants n’avaient pas d’autres choix que de se rendre à l’évidence. Ça a commencé à la reprise estivale. Le coach m’a dit : « Je pense que cette année on va te faire jouer plusieurs matches ». C’est là que ma petite épopée chez les pros a commencé. J’ai fait mes premières apparitions dans le groupe en Ligue 1 et en Ligue des Champions ».
Les pensionnaires du stade Louis II avaient aussi une petite idée derrière la tête. « On m’a demandé d’être performant pour être revendu très cher, rapporter une grosse plus-value. C’était le plan du club me concernant. C’était « Thiam on le sort et on le vend très cher » ». Mais ce plan ne s’est pas déroulé comme prévu pour Thiam comme pour Monaco. « Au final, c’est tout l’inverse qui s’est passé. J’ai vu beaucoup trop de choses trop rapidement. J’étais jeune, j’avais 17 ans, j’avais fait ma première apparition dans le groupe pro à Paris. Quand le coach m’a dit que je devais rentrer à dix minutes de la fin, avec la physionomie du match c’était mort, je ne pouvais pas. Il y a eu ensuite plusieurs matches où, pendant la semaine, le coach me promettait de me faire jouer et quand le week-end arrivait ce n’était pas le cas. Je pouvais me retrouver en tribunes, en CFA. Il y avait un monde entre ce qu’on me disait et ce qu’il se passait. Je ne me sentais pas trahi car Jardim me parlait beaucoup. Luis Campos aussi. Le club me faisait confiance (…) Au début, j’acceptais tout ça. Mais je voulais jouer car je me sentais prêt. Et j’ai fini par craquer ».
Thiam assume ses erreurs
Il raconte : « Mon comportement a commencé à se détériorer un peu. J’ai commencé à sortir, j’arrivais en retard alors que j’étais le plus jeune du groupe. Donc ça ne plaisait pas trop. Je faisais un peu comme je voulais. En fait, j’ai tout fait à l’envers. J’aurais dû être patient ». Avec le recul, Thiam assume complètement ses erreurs. « Sur ce coup-là, je pense vraiment que c’est moi qui n’a pas su être patient. J’ai voulu tout trop vite car il est vrai qu’on m’a montré les choses, on m’a dit les choses un peu trop rapidement. J’ai tout fait dans le désordre ». Mais il n’est pas le seul à être responsable. La gestion de l’ASM, qui n’aurait probablement pas dû l’exposer aussi vite, n’a pas été parfaite. « Je pense qu’il y a eu aussi cette erreur. Monaco le sait. Quand j’ai résilié avec eux, ils savaient qu’ils avaient perdu quelque chose. Ils n’étaient pas d’accord du tout. C’est un peu aussi de leur faute ». À l’époque, il a aussi fallu pour lui gérer la pression à Monaco mais aussi le fait d’être très observé. Car le talentueux milieu de terrain ne manquait pas de prétendants. Arsenal, Manchester City, Stoke City, le Fiorentina et l’AC Milan étaient très intéressés.
Une situation qu’il avait très bien à gérer à l’époque. « Au début, ce n’était pas difficile. Il y avait cette euphorie. Ça avait déjà commencé avec les matches de Youth League où je me montrais, où plusieurs clubs commençaient à s’intéresser à moi. Je me sentais prêt à jouer avec les pros, je n’avais pas mesuré le truc que c’était. C’était de l’insouciance ». Mais aucun club n’a sauté sur l’occasion quand le joueur a résilié son contrat avec Monaco. Un divorce éprouvant à l’écouter. « J’ai résilié mon contrat à Monaco en septembre 2016. Le mercato suivant, j’ai rejoint Pérouse en Italie. J’avais tout signé, tout mis en place, ramené mes affaires. Au final, j’ai décidé de partir parce que je crois qu’il y avait encore trop Monaco dans ma tête. C’était trop un changement de dimension. Du coup, je n’assumais pas encore de partir de l’ASM et d’aller en Serie B alors que c’était un bon projet. À 19 ans, on m’offrait la possibilité de jouer en deuxième division italienne. Mais je n’avais pas mesuré ça à l’époque et j’ai décidé de partir. J’ai très mal vécu mon départ de l’AS Monaco. C’est le club qui m’a formé. Mon départ m’a un peu fait mal, même si c’est moi qui ai pris la décision ».
Repartir de l’avant et retrouver l’élite au plus vite
Une décision que le joueur beaucoup plus mature aujourd’hui regrette un peu.« Aujourd’hui, vu l’équipe, je me dis que j’aurais dû attendre, j’aurais dû être patient ». Déçu, touché, il a fait le choix de ne plus jouer au foot pendant deux ans alors que plusieurs clubs étaient prêts à lui tendre la main (Strasbourg, un club belge, Oldham, Anzhi). « Après Pérouse, j’ai arrêté le foot. J’ai fait un burn-out. Il me fallait un peu de temps, j’ai laissé couler et j’ai attendu.. J’étais rentré chez moi et je me suis dit que j’allais mettre le foot de côté. Puis, quand je suis devenu père, j’ai eu un déclic. Comme je ne sais faire que jouer au foot, je m’y suis remis. Je voulais revenir, reprendre ce qui m’appartenait. J’ai fait un gros effort pour reprendre en amateurs. J’ai signé en CFA 2 à Pacy-sur-Eure. J’ai commencé à jouer des matches il y a un mois et demi. En 3 matches de championnat, j’ai marqué deux buts. Je retrouve des sensations et surtout du plaisir. À Monaco, j’avais perdu le plaisir de jouer sur la fin. Je le retrouve aujourd’hui en repartant de plus bas. Je reviens à l’essentiel. Le foot m’a manqué. Je me dis que j’ai perdu du temps en laissant passer ces deux années … »
Et il compte bien rattraper le temps perdu à présent lui qui a pu compter sur sa famille, son épouse et quelques amis dont Enock Kwateng durant ses moments difficiles. « J’ai décidé de faire ça pour voir ce que je valais et essayer de revenir dans l’élite le plus vite possible. Mon objectif est de partir le plus vite possible et de revenir dans l’élite ! ». Véritable plaque tournante, celui qui dit de lui qu’il « aime faire jouer et gagner son équipe » ne veut plus reproduire les mêmes erreurs et veut avoir une nouvelle chance, ce qui n’est pas toujours facile en France. Lors de la signature de son contrat pro, il avait déclaré : « C’est une grande fierté de signer pro avec l’AS Monaco, mon club formateur. C’est une nouvelle étape et j’espère que ce n’est que le début, a déclaré Thiam. J’aime quand tout va plus vite. J’ai envie de réussir. » Quatre ans plus tard, le natif de Mantes-la-Jolie est devenu un autre joueur et un autre homme. Une personne qui vit sa passion au jour le jour. « Entre ce contrat et aujourd’hui, il y a quatre années qui sont passées. J’ai plus de maturité. Je pense que c’est mieux d’y aller étape par étape. Les erreurs, si je les refais, c’est que je n’ai vraiment rien compris. Si je m’en sers, je pense que ça va marcher si je suis un peu patient ». À 21 ans, Abdou Aziz Thiam a encore le temps de vivre son rêve.

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