Allemagne: un accord de coalition au prix de lourdes concessions pour Merkel

C’est fait. Plus de quatre mois après les dernières élections, une première tentative infructueuse avec les libéraux et les écologistes, les chrétiens démocrates d’Angela Merkel ont trouvé un accord de gouvernement avec les sociaux-démocrates. L’Allemagne se dote donc du gouvernement que « le monde attend », dit Angela Merkel. La chancelière va donc repartir pour un quatrième mandat. Mais elle a dû faire de lourdes concessions.

« Le premier gouvernement SPD dirigé par une chancelière chrétienne-démocrate », écrit un responsable du quotidien populaire Bildzeitung. Pour beaucoup de commentateurs, les sociaux-démocrates ont tiré leur épingle du jeu malgré leur score historiquement bas aux dernières élections.

Il est vrai que cet accord était une question de survie politique pour Angela Merkel. De nouvelles élections auraient constitué un aveu d’échec. La chancelière savait aussi qu’elle devait lâcher du lest pour permettre cet accord mais aussi pour amadouer la base du SPD, peu emballée par une nouvelle grande coalition, et qui devra se prononcer sur le texte d’ici début mars.

Le SPD obtient des compromis, les sociaux-démocrates conservent le ministère des Affaires étrangères, les Affaires sociales et arrachent aux conservateurs les Finances, un poste stratégique, rappelle notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut.

L’accord de gouvernement réjouira Emmanuel Macron. Il prévoit que les prochaines années seront placées sous la relance de l’Europe. Une partie des réformes voulues par le président français sont approuvées par le texte. Martin Schulz, le leader du SPD, s’en est félicité et a salué le retour de l’Allemagne sur la scène européenne au côté de la France.

Des questions en suspens pour le SPD

Mais au-delà du vote de la base pour avaliser cet accord, Martin Schulz doit aussi régler encore quelques points. Car même s’il a obtenu pour son parti trois ministères importants et des engagements dans le domaine social, notamment concernant un accès plus équitable aux soins médicaux, sa popularité est en berne dans les rangs du SPD.

Les militants sont déçus par ce qu’ils perçoivent comme une volonté d’être ministre à tout prix. Et c’est peut-être pour donner des gages aux militants sociaux-démocrates, qui ont entre leurs mains la stabilité du pays, que Martin Schulz a annoncé ce mercredi soir qu’il quitterait prochainement la présidence du parti.

Perte d’influence probable pour Merkel

Et du côté de la chancelière aussi, cet accord de coalition n’est pas sans conséquences. Car Angela Merkel risque notamment de perdre une partie de son influence dans l’Union européenne, analyse Claire Demesmay, chercheur à l’Institut allemand de politique étrangère.

« Si cette grande coalition se fait – il faut encore que les membres du SPD l’approuvent par vote – elle sauve Angela Merkel mais le prix est élevé. Son parti doit céder trois postes clé au SPD, qui lui s’en sort très bien. Et tout ça va alimenter un mécontentement qui affaiblit la position d’Angela Merkel à la fois au sein de son parti et, par ricochet, sur la scène européenne. »

Claire Demesmay estime que c’est l’autorité de la chancelière, notamment à l’échelle franco-allemande, qui est concernée. « Elle reste forte parce qu’elle est à la tête d’un pays stable, qui s’en sort bien économiquement, mais en même temps, elle n’a plus la même autorité qu’avant. En particulier dans le contexte franco-allemand. A côté d’un Emmanuel Macron, qui a une très large majorité à l’Assemblée nationale, on sent bien que le jeu est tout à fait différent que ce qu’il était avant l’élection présidentielle française. »

« Une bonne nouvelle » pour l’Europe

La chercheur estime en tous cas, que « pour l’instant », cet accord est « une bonne nouvelle pour l’UE ». « L’Europe est évoquée tout au début du contrat de coalition, largement, de façon positive, souligne-t-elle. L’Allemagne s’engage à poursuivre sa politique européenne. Après, il va falloir voir ce que ça signifie concrètement, en termes de politique de sécurité, de politique budgétaire… »

« Mais je pense qu’aujourd’hui, il y a de bonnes conditions pour une coopération européenne, pour un engagement de l’Allemagne, notamment aux côtés de la France, analyse Claire Demesmay. Et puis on sent aussi l’intérêt de l’Allemagne de renouer avec des relations germano-polonaises, qui ont beaucoup souffert ces derniers temps. »

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