Attaques de pétroliers : à l’ONU, Washington accuse l’Iran, qui dénonce un “sabotage diplomatique”


Le ton ne cesse de monter entre les États-Unis et l’Iran, accusé par Washington d’être responsable des attaques menées, le 13 juin, contre deux pétroliers dans le Golfe. L’US Navy a publié une vidéo censée étayer ces accusations.

L’administration américaine a directement accusé l’Iran d’être “responsable” des attaques de jeudi contre deux pétroliers norvégien et japonais, en mer d’Oman, un incident qui a immédiatement fait grimper les prix du pétrole et fait craindre une escalade des tensions dans le Golfe.

Il y a un mois quasiment jour pour jour, des attaques avaient déjà eu lieu contre quatre navires au large des Émirats arabes unis, actes pour lequel Téhéran avait déjà été montré du doigt par Washington. Mais, à l’époque, les États-Unis avaient pris plusieurs jours avant de parvenir à cette conclusion. Jeudi, la réaction de l’administration Trump a été immédiate.

“Le gouvernement des États-Unis estime que la République islamique d’Iran est responsable des attaques de ce jour en mer d’Oman”, a lancé sans détour le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo lors d’une allocution solennelle, accusant Téhéran de vouloir empêcher le passage du pétrole par le très stratégique détroit d’Ormuz pour perturber le marché mondial.

Il a évoqué, à l’appui de ses accusations, des informations récoltées par les services de renseignement, “les armes utilisées”, les précédentes attaques contre des navires et le fait qu’aucun des groupes alliés de l’Iran dans la région n’ait les moyens d’atteindre “un tel niveau de sophistication”.

Des accusations “sans fondement”

L’armée américaine a publié jeudi une vidéo censée montrer selon elle une patrouille des Gardiens de la Révolution islamique (GRI), le corps d’élite de l’armée iranienne, retirant une mine-ventouse qui n’avait pas explosé sur une paroi de l’un des pétroliers attaqués. Le Commandement central de l’armée américaine a aussi diffusé une photo montrant cette mine sur une paroi du tanker avant que l’objet ne soit retiré plus tard dans la journée.

Pour Mike Pompeo, ces actes “représentent une menace claire pour la paix et la sécurité internationales, une attaque flagrante contre la liberté de navigation et une escalade des tensions inacceptable de la part de l’Iran”.

L’Iran avait pourtant auparavant exprimé ses “inquiétudes” après des “incidents suspects”, indiquant avoir secouru 44 membres d’équipage des deux pétroliers après des appels de détresse.

“Que les États-Unis aient immédiatement sauté sur l’occasion pour lancer des allégations contre l’Iran [sans] le début d’une preuve fondée ou circonstancielle fait apparaître en pleine lumière le fait que [Washington et ses alliés arabes] sont passés au plan B : celui du sabotage diplomatique […] et du maquillage de son #TerrorismeEconomique contre l’Iran”, a réagi le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif sur Twitter.

Les accusations du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo sont “sans fondement” déclare par ailleurs un communiqué du ministère iranien des Affaires étrangères.

“Accuser l’Iran pour les accidents suspects et malheureux dont ont été victimes les pétroliers est apparemment ce qu’il y a de plus simple à faire pour Mike Pompeo et les autres autorités américaines”, déclare le porte-parole du ministère, Abbas Moussavi, dans ce communiqué.

“Si on ne réagit pas, d’autres attaques sont possibles”

Le chef de l’ONU Antonio Guterres a averti jeudi que le monde ne pouvait pas se permettre un conflit majeur dans le Golfe. Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est réuni en urgence à huis clos.

L’ambassadeur américain Jonathan Cohen a répété que tous les éléments semblaient désigner l’Iran, ont rapporté des diplomates. “Il faut que le Conseil de sécurité reste saisi du sujet”, a fait valoir Jonathan Cohen. “Si on ne réagit pas, d’autres attaques sont possibles”.

Lors d’un tour de table, tous les pays ont exprimé leurs inquiétudes devant l’accentuation des tensions. Plusieurs pays ont demandé “une enquête indépendante” sur les dernières attaques. La Russie a souligné qu’il “ne fallait pas se précipiter sur des conclusions”, selon une source diplomatique.

La République islamique a aussitôt répliqué en dénonçant des “affirmations incendiaires” et une “campagne anti-iranienne”. “L’Iran rejette catégoriquement les accusations infondées des États-Unis et les condamne dans les termes les plus forts”, a déclaré la mission iranienne auprès de l’ONU dans un communiqué jeudi soir.

La région subit depuis plus d’un mois une escalade des tensions entre les Etats-Unis et l’Iran. Washington, qui ne cesse de durcir ses sanctions économiques et diplomatiques contre Téhéran après avoir claqué la porte il y a un an de l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien, a soudainement multiplié début mai les déploiements militaires au Moyen-Orient, accusant le régime iranien de préparer des attaques “imminentes” contre des intérêts américains.

La République islamique a balayé ces accusations tout en menaçant de s’affranchir de certaines restrictions à son programme nucléaire.

Des négociations “le moment venu”

Toujours est-il que les circonstances des attaques sont encore floues. À Oslo, les autorités maritimes ont fait état de trois explosions à bord d’un pétrolier norvégien. Battant pavillon des îles Marshall et propriété du groupe norvégien Frontline, le pétrolier “Front Altair” a été “attaqué” entre les Émirats et l’Iran “à 6 h 03 locales”, ont-elles indiqué, précisant qu’aucun membre d’équipage n’avait été blessé et que ce tanker de 111 000 tonnes était en flammes.

Le Kokuka Courageous, un méthanier, a essuyé des tirs mais son équipage a été sauvé, un marin a toutefois été légèrement blessé, et sa cargaison de méthanol est intacte, a affirmé son opérateur japonais Kokuka Sangyo. Le navire se dirigeait vendredi vers le port omanais de Khor Fakkan.

Malgré son accusation directe contre l’Iran, l’administration américaine n’a annoncé aucune nouvelle mesure de représailles. Selon Mike Pompeo, Washington souhaite toujours que Téhéran revienne à la table des négociations “le moment venu”.

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