Avec la visite de Macron à Washington, les relations franco-américaines au top

Ils s’opposent sur de nombreux sujets et pourtant, d’après eux, la relation est excellente. Le président Donald Trump reçoit lundi son homologue français pour une visite d’État à Washington. Scellant un renouveau du tandem franco-américain. Analyse.
Impressionné par l’accueil qu’il a reçu lors de la cérémonie du 14 juillet 2017 à Paris, le locataire de la Maison Blanche a vu les choses en grand : Emmanuel Macron est en effet le premier dirigeant étranger que Donald Trump reçoit pour une visite d’État, la plus prestigieuse en langage diplomatique.

Afin de montrer son affection envers le chef d’État français, c’est à Mount Vernon, la résidence du premier président américain, George Washington, que Donald Trump l’a invité lundi soir, pour un “dîner à quatre”, en terrasse avec les Premières dames, Melania Trump et Brigitte Macron. Le choix de Mount Vernon est inédit et symbolique pour la relation franco-américaine : c’est là que le marquis de Lafayette [l’un des huit citoyens d’honneur des États-Unis d’Amérique] a rendu plusieurs fois visite à son vieil ami George Washington, enterré sur place. En 1790, il lui avait fait remettre la clé de la Bastille, symbole de leur amitié, un objet que l’on peut encore admirer en visitant le domaine aujourd’hui.

À l’Élysée, on se félicite de cette relation étroite entre les deux présidents, la visite du 23 au 25 avril ayant pour objectif de favoriser encore plus ce rapprochement. “La relation franco-américaine est cyclique, explique Célia Belin, docteur en sciences politiques et chercheuse sur les relations transatlantiques à la Brookings Institution de Washington. Il y a des moments de très bonne entente et d’autres où cela ne se passe vraiment pas bien, comme en 2003, avec la dispute de la guerre en Irak. En ce moment, on est un peu au sommet de la relation franco-américaine.” La chercheuse note ainsi que les deux dirigeants se parlent très fréquemment au téléphone : “environ une fois par semaine, alors qu’on sait que par exemple, Donald Trump n’a pas parlé à Angela Merkel pendant plus de cinq mois”.

La raison de cette entente est à trouver, selon Célia Belin, dans leurs points communs : “Si l’on peut s’imaginer que tout oppose les deux hommes – un grand intellectuel, pro-européen et libéral, face à un businessman, nationaliste et protectionniste – en fait, le courant passe bien entre ces deux ex-outsiders qui ont un peu le même parcours politique. Ils ont en effet tous les deux renversé l’élite politique de leur pays et réussi à atteindre le pouvoir, alors que personne ne pariait sur eux. C’est à la mesure de leurs succès réciproques qu’ils s’apprécient l’un et l’autre.”

Une alliance militaire

Une autre raison, liée au contexte international, peut expliquer cette proximité : “En ce moment, la France est devenue incontournable sur un grand nombre de sujets d’importance extrême pour les États-Unis et vice-versa : l’Iran, la Syrie, le climat, la Chine, la Russie…”, énumère Célia Belin. Tous ces dossiers seront au menu des discussions entre les deux présidents, a d’ailleurs prévenu l’Élysée.

C’est dans le domaine militaire que la France s’est particulièrement rapprochée des Américains, notamment depuis l’ntervention au Mali sous François Hollande. Le dernier exemple en date étant les frappes menées contre trois installations chimiques en Syrie le 14 avril. “La France s’avère aujourd’hui l’allié principal [en Europe] sur les questions militaires pour les États-Unis”, remarque Célia Belin. “Pendant longtemps, ce furent les Britanniques, qui aujourd’hui sont un peu repliés sur eux-mêmes à cause du Brexit. Maintenant, les Français ont démontré leur volonté de partager le fardeau de la lutte antiterroriste. C’est une image de la France qui s’est développée à la suite des interventions au Mali, mais aussi en Irak, puis en Syrie. À un moment où le président Trump critique énormément les Européens parce qu’ils n’investissent pas assez dans la défense, la France donne l’exemple opposé.”

Lors du séjour d’Emmanuel Macron, plusieurs visites viendront souligner l’histoire de cette coopération militaire : Emmanuel Macron doit notamment se rendre le 24 avril au cimetière militaire d’Arlington et déposer une gerbe sur la tombe du soldat inconnu. Il doit aussi décorer des vétérans américains de la Seconde Guerre mondiale.

Des sujets qui fâchent

Bien qu’elle se fasse en grande pompe, la visite d’Emmanuel Macron n’effacera pas pour autant les sujets qui fâchent, comme le climat, l’Iran ou encore le rétablissement, par les États-Unis, de barrières douanières sur l’acier et l’aluminium. L’Élysée s’est d’ailleurs montré très prudent sur les attentes de cette visite en matière de résultats concrets : il ne s’agit pas de faire changer complètement d’avis Donald Trump, même si Paris souhaite faire avancer les dossiers.

Sur le climat, par exemple, la France compte continuer à décrire les conséquences du réchauffement face à un président américain ouvertement climato-sceptique. Mais ce désaccord franco-américain n’est pas un problème majeur, selon Célia Belin, car Paris mise sur la société civile américaine, très engagée à travers des mouvements, comme la coalition de villes et d’entreprises “We are still in”, pour respecter les objectifs climat. C’est d’ailleurs à cette société civile que le président Macron s’adressera le 25 avril, lorsqu’il échangera avec des étudiants de l’université de Georgetown, à Washington. Ce sera pour lui l’occasion de s’exprimer plus librement sur les sujets qui l’éloignent de Donald Trump.

Les nuages les plus sombres dans la relation franco-américaine concernent plutôt le court terme, estime Célia Belin : “Sur l’Iran et sur la Syrie, sur toutes les questions essentielles pour la sécurité française. Par exemple, le président Trump a dit sa volonté de retirer les troupes américaines de Syrie dès que la lutte contre l’EI serait terminée. Or, les Français ont un intérêt à ce qu’il y ait un minimum de stabilité dans cette région.” Au sujet de l’Iran, l’échéance est encore plus courte : “D’ici au 12 mai, le président Trump va décider s’il continue de lever les sanctions à l’encontre de Téhéran ou s’il les rétablit. En les rétablissant, il veut littéralement faire exploser l’accord sur le nucléaire iranien : il joue donc directement contre les intérêts français.” D’après l’Élysée, les signaux de Washington à ce sujet, malgré des pourparlers constructifs, ne seraient pas très encourageants. Or, si la relation franco-américaine est, selon la chercheuse, aujourd’hui “excellente”, elle reste “fragile” : “elle dépend énormément des solutions qui vont être trouvées dans les six prochains mois sur ces quelques grands dossiers stratégiques”.

Au-delà des relations diplomatiques, cette visite sera également pour Emmanuel Macron une opportunité d’assoir son image de leader international en se présentant directement aux Américains. Le président français doit en effet mercredi matin prononcer un discours – en anglais et pendant une trentaine de minutes – au Congrès réuni en session conjointe. Avant lui, de nombreux présidents français se sont prêtés à l’exercice, comme François Mitterrand, Jacques Chirac ou encore Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron ne s’adressera alors plus à un chef d’État, mais à un parlement, et, à travers lui, à une nation tout entière, sur les thèmes de la démocratie, des valeurs et de l’amitié qui unissent les deux pays.

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