Election présidentielle en Tunisie : Kaïs Saïed, ou le nouveau paradigme tunisien

Les Tunisiens ont voté pour départager Nabil Karoui et Kaïs Saïed lors du second tour de la présidentielle, ce dimanche 13 octobre 2019. Si les résultats officiels ne sont pas attendus avant ce lundi soir, les premières estimations des instituts de sondages donnent une large avance au candidat conservateur avec près de 75% des voix.
Les premières estimations sont sans appel. Le regain de mobilisation a profité à Kaïs Saied, le juriste indépendant qui s’impose ce soir. Selon les premières tendances des instituts de sondage basées sur les enquêtes sorties des urnes, il recueillerait plus de 70% des voix. Les résultats officiels devraient être connaît d’ici lundi 14 octobre au soir.

Le professeur Kaïs Saïed va donc rejoindre le palais présidentiel de Carthage où il va devrait charger Ennahdha de former le prochain gouvernement tunisien. Lui qui incarne l’antisystème, l’anti-élite, affirme vouloir rendre le pouvoir au peuple dans l’esprit de la révolution de 2011. Notamment, à travers une décentralisation radicale et l’émergence d’assemblées locales.

On n’a pas été témoins d’incidents majeurs. Selon nos sources et nos rapports, tout s’est déroulé d’une façon très paisible. Nos équipes sont là sur le terrain jusqu’à la fin donc on va observer pas seulement la clôture mais aussi le dépouillement, le comptage effectués des votes jusque à la transmission et la communication officielle de la publication des résultats.

Fabio Massimo Castaldo, membre de la mission d’observation et vice-président du Parlement européen

Le premier enseignement de ce scrutin est donc le prolongement de la claque sévère administrée au premier tour aux politiques en place et aux élites qui gouvernement. Cette fois, c’est l’homme de télé Nabil Karoui qui a été balayé par le phénomène Saïed, lui qui n’a quasiment pas fait campagne se retrouve pourtant à Carthage.

Foule en liesse sur l’avenue Habib Bourguiba

Sur l’avenue Habib Bourguiba à Tunis, des feux d’artifice ont été tirés, les gens chantent et dansent. Ils sont sur place depuis 19h et se sont progressivement et surtout spontanément réunis sur l’avenue Habib Bourguiba. La foule se densifie à mesure que les minutes passent.

On y retrouve des jeunes, des familles, des étudiants mais aussi des personnes plus âgées, le tout sous l’œil bienveillant des forces de sécurité. Plusieurs personnes portent fièrement le drapeau de la Tunisie et chantent l’hymne national. « Mabrouk Tounes », « Félicitations la Tunisie » crient en cœur des militants de Kaïs Saied.

La foule se rassemble dans les rues de Tunis pour célébrer la victoire annoncée par des sondages de Kaïs Saïed, candidat à la présidentielle tunisienne, le 13 octobre 2019. © REUTERS/Zoubeir Souissi
Kaïs Saied remercie la jeunesse

« Ce n’était pas facile, nous avons travaillé sans moyens financiers pour rencontrer les électeurs » expliquait un des bénévoles présents sur l’avenue Bourguiba. Pour les électeurs, voter pour Kaïs Saied, c’était voter pour un intellectuel perçu comme un homme aux mains propres. Il y a aussi là l’idée que Kaïs Saied est le rempart idéal pour lutter contre la corruption.

L’universitaire a remercié “les jeunes qui ont ouvert un nouvelle page de l’histoire”, devant ses partisans dans un hôtel du centre de Tunis où il a pris la parole peu après que des premières tendances l’aient donné largement en tête du scrutin. « Nous allons essayer de construire une nouvelle Tunisie », a-t-il déclaré, stoïc, devant ses proches et la presse. « Je connais l’ampleur de la responsabilité ». « Cette campagne a été conduite par les jeunes et j’en porte la responsabilité », a-t-il dit.

Nous savons et nous connaissons le poids de la responsabilité, ce que c’est que cette responsabilité. L’État doit être préservé, il doit y avoir une continuité.

Kaïs Saied s’exprime après que les premières tendances l’aient donné vainqueur de la présidentielle

Dans le camp Karoui, c’est donc la douche froide. Les équipes du candidat y ont cru après sa libération mercredi soir. L’ampleur de la défaite a du mal à passer. « Bien sûr, je suis déçu mais on ne restera pas les bras croisés, on se battrait » expliquait un militant de Karoui à son quartier général.

Une défaite nette pour Nabil Karoui qui espérait refaire son retard à sa sortie de prison cette semaine. Les équipes de l’homme d’affaires ont préparé des recours pour contester les résultats, se basant sur le fait qu’en prison, leur champion n’a pas pu sillonner le pays à la rencontre des citoyennes et citoyens. Au quartier général de Nabil Karoui, l’ambiance est donc particulièrement terne, éteinte. Non seulement après les législatives dimanche dernier, le parti n’est pas en tête au Parlement, devancé par Ennahdha, mais son candidat est également le grand perdant de cette élection présidentielle et il pourrait même repasser bientôt par la case prison dans le cadre de son inculpation pour blanchiment et fraude fiscale.

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