La bataille pour la présidence de la Commission européenne bat son plein

Le premier tour de chauffe était le 28 mai à Bruxelles. Pas de crise de couple franco-allemande étalée au grand jour, mais un bras de fer diplomatique bien réel, car Paris et Berlin ne soutiennent officiellement pas les mêmes champions pour la présidence de la Commission européenne.

Jamais ministre ni commissaire, ne maîtrisant que l’anglais et son allemand natal, pour de nombreuses capitales européennes le CV du candidat de Berlin comporte de sérieuses lacunes. Manfred Weber, c’est son nom, était le « Spitzenkandidat », la tête de liste du Parti populaire européen (PPE) et espérait donc devenir le prochain président de la Commission européenne en cas de victoire des conservateurs le 26 mai 2019.

Sauf que le PPE n’a pas obtenu la majorité absolue et que plusieurs pays, dont la France, en ont profité pour remettre en cause le principe même des « Spitzenkandidat » et de leur nomination à la présidence de la Commission sur la seule foi de la victoire de leurs alliés.

Plus embêtant encore pour le Bavarois issu de la conservatrice CSU, il est très identifié à droite – il a notamment voté contre l’interdiction des « thérapies de conversion » anti-LGBT –, plutôt loin du centre gravité politique du nouveau Parlement européen, marqué par une influence grandissante des libéraux, des écologistes et des eurosceptiques.

Enfin, le quadragénaire n’est même pas prophète en son pays : si la liste d’union CSU-CDU s’est classée première en Allemagne lors du scrutin, elle n’a obtenu que 28,7 % des voix, son score le plus faible historiquement. Pire pour ce pauvre Manfred Weber, 60 % des Allemands ne veulent pas de lui comme président de la Commission…

Une Danoise libérale pour les rassembler tous ?

D’ailleurs, si Angela Merkel défend officiellement la candidature de son compatriote, la presse allemande pense savoir que sa préférence irait en réalité à Margrethe Vestager. Commissaire européenne à la Concurrence depuis fin 2014, cette quinquagénaire affiliée au Parti social libéral danois (centre-gauche libérale pro-européenne) s’est fait connaitre du grand public par sa lutte les abus de pouvoir et les évasions fiscales des GAFAM en Europe.

Margrethe Vestager est elle-même « Spitzenkandidat », pour le compte de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE, le parti centriste et libéral au Parlement européen). Mais, ces derniers jours, ses soutiens insistent plus sur sa stature et sa réputation d’incorruptible, puisque l’ALDE n’a pas plus réussi à obtenir une majorité absolue que le PPE.

Principal handicap pour la charismatique danoise : elle est issue d’un pays qui n’est pas membre de la zone euro. Pas sûr que ce soit réellement gênant aux yeux de décideurs qui cherchent à trouver un profil capable de rassembler des Européens très divisés. Profil qui pourrait bien être celui de celle qui fut lauréate du prix Femmes d’Europe en 2016.

Michel Barnier, à nouveau outsider

Sauf si le Français Michel Barnier vient lui voler la place sous les yeux. Comme en 2014, le négociateur du Brexit n’est pas un candidat officiel au poste. Mais, comme en 2014, son nom est sur beaucoup de lèvres, avec le soutien plus ou moins affiché du chef de l’État français.

A 68 ans, l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy semble enfin avoir obtenu la notoriété qui lui a longtemps fait défaut. Sa gestion des négociations avec la Grande-Bretagne l’a non seulement mise en lumière, mais est aussi unanimement saluée chez les 28. Les pays d’Europe centrale, en particulier, lui savent gré de les avoir toujours informés et consultés à égalité avec les grandes capitales.

L’éventuel vainqueur de cette bataille doit obtenir une majorité qualifiée au sein du Conseil, qui a la charge de proposer son nom, puis remporter la majorité au Parlement, soit 376 voix sur 751.

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