La faillite de la politique de l’emploi (Mamadou SY Albert)

L’emploi constitue la question centrale du développement du Sénégal. Sept ans après l’avènement de la seconde alternance politique en mars 2012, ceux qui recherchent un premier emploi salarié et non salarié, sont de plus en plus nombreux. Les promesses gouvernementales en matière de formation et d’emploi se multipliant, ne parviennent pas réellement à se transformer en réalité. L’absence de vision et d’une approche durable à la hauteur des attentes nationales en matière d’insertion sociale et économique, se conjuguent et sèment le désarroi dans les rangs de la jeunesse formée par le système de formation professionnelle et technique ou par la vie au quotidien.

L’emploi est et reste la demande sociale principale des Sénégalais en âge de travailler. Ils sont de plus en plus nombreux à exprimer cette aspiration profonde se transformant en un droit légitime de vivre dignement dans une société de plus en plus marquée par une crise profonde de l’emploi salarié. Les diplômés des écoles de formation professionnelle et ethnique, des Universités publiques et privées affichent, sous des formes variées, ce rêve naturel de pouvoir, enfin de sortir du cycle infernal du chômage, après des années d’études sur les bancs de l’école. Une véritable peine sur les épaules de la jeunesse formée à des métiers inadéquats au marché de l’emploi.

Ils ont eu la chance au moins d’être formés à des métiers dans des cadres professionnels et de l’enseignement technique général. Quelques rares jeunes de ces diplômés réussissent à trouver une place d’insertion dans le tissu économique, rudement, à l’épreuve des effets dévastateurs de la crise de l’économie nationale. Le gouvernement ne recrute plus de fonctionnaires. C’est du moins sur les doigts d’une main politicienne à la recherche de clients électeurs. La majorité de ces jeunes formés à l’école est contrainte désormais de chercher un emploi en direction du secteur privé national ou international.

Cette perspective ne semble guère offrir mieux que celle de la fonction publique se réduisant d’une décennie à l’autre à des offres ciblées et régulées par une politique de l’emploi peu soucieuse de l’avenir de milliers de jeunes. On recrute très peu en réalité dans le secteur privé national étouffé par un privé international plus performant et plus compétitif dans le domaine du marché de l’emploi salarié.

Rien ne semble résister à cette volonté inébranlable des jeunes. Ils veulent trouver du travail, partout où il est possible de vendre sa force de travail intellectuel ou physique et son capital expérience. Tous sont devenus des migrants potentiels. C’est une tendance lourde dans les rangs de cette jeunesse désemparée par l’étroitesse du marché de l’emploi salarié et non salarié au Sénégal et l’absence d’une politique nationale cohérente et efficace de l’emploi.

L’autre catégorie des jeunes est constituée par des jeunes sénégalais sans formation professionnelle et technique. Ils n’ont pas de qualification. Ils sont les plus nombreux. Certains de ces jeunes viennent naturellement du système éducatif. Ils ont quitté très tôt les bancs de l’école ou de l’Université pour des raisons différentes : décrochages, redoublement, désintéressement et absence de moyens financiers des parents.

Cette couche sociale n’a bénéficié d’aucune politique d’encadrement et d’accompagnement technique de l’État et des Collectivités locales. Elle représente aujourd’hui une part importante des demandeurs d’emploi au Sénégal. Enfin, l’autre frange de ceux qui n’ont pas de formation professionnelle et ethnique, est celle de tous ces jeunes urbains et ruraux qui n’ont fréquenté, ni l’école francophone, ni l’école arabophone.

La destination de cette franche de la population à la recherche du travail navigue entre le secteur informel et les offres incertaines d’emploi des Collectivités locales. Alors que l’informel est saturé et rejette de plus en plus ces jeunes, les mairies et autres démembrements de l’Etat n’ont guère de budgets de fonctionnement suffisants ou de ressources financières pour recruter un personnel administratif, technique, de service, qualifié. L’offre d’emploi des collectivités est très limitée, voire trop maigre.

Face à cette demande massive de l’emploi des jeunes diplômés et des jeunes non qualifiés, le gouvernement ne propose aucune politique d’emploi durable et fiable en termes d’insertion sociale, économique et de formation. Les pouvoirs publics se confinent plutôt à une offre publique ciblée à travers des projets sectoriels se transformant presque en des projets politiciens électoraux.

L’emploi proposé à ces jeunes est assez souvent, plus du domaine de l’aventure pour soutenir le gouvernant que de la création effective de structures économiques capables de produire du travail durable, un système socio-économique rentable. Le plus souvent d’ailleurs, ceux qui accèdent à cette offre des projets de l’État ou des élus locaux, ne se font guère d’illusion. Beaucoup de ces bénéficiaires des projets publics, privés ou semi-privés, abandonnent en cours de chemin au bout d’une ou deux années de galère.

Un éternel recommencement pour l’État et pour les jeunes désabusés par la politique de l’offre politicienne. Ce cycle de déperdition de l’emploi remonte aux années de l’Ajustement avec les opérations sans lendemain des maîtrisards chômeurs. L’absence de vision et d’une approche de l’emploi dans la durée constitue l’une des faiblesses majeures de la politique de l’emploi de l’État post- colonial et des collectivités locales.

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