La France a-t-elle effacé la dette fiscale d’un proche de Modi pour vendre son Rafale ?

La France a annulé en 2015 un redressement fiscal visant l’entreprise d’un homme d’affaires proche du Premier ministre indien Narendra Modi, au moment où se négociait la vente d’avions de combat Rafale à l’Inde.

L’homme d’affaires indien Anil Ambani, proche du Premier ministre Narendra Modi, aurait bénéficié en 2015 de l’effacement de plus de 140 millions d’euros de dette fiscale par la France au moment où Paris négociait avec l’Inde la vente de 36 avions de combat Rafale, a révélé Le Monde, samedi 13 avril.

Ces révélations, largement reprises par la presse indienne, interviennent au moment où l’Inde a commencé à voter pour des élections législatives qui décideront du sort du Premier ministre sortant.

Le groupe d’Anil Ambani, Reliance Communications, a confirmé que sa filiale française, Reliance Flag Atlantic France, avait bien conclu une transaction avec le fisc français mais nie tout favoritisme ou traitement de faveur.

L’organisation de lutte contre les crimes économiques Sherpa avait saisi le 26 octobre 2018 le parquet national financier d’une plainte visant le choix du groupe Reliance Communications comme partenaire de Dassault Aviation.

Reliance Communications était déjà visé en Inde pour complicité d’abus de pouvoir et d’octroi d’avantages indus par une plainte déposée contre Narendra Modi.

Une demande de Paris “sans fondement et complètement illégale”

Selon Le Monde, la filiale française de ce groupe, spécialisée dans les services de télécommunications et exploitant un câble sous-marin transatlantique, était sous le coup en France d’un redressement fiscal de 151 millions d’euros.

Mais un accord signé en octobre 2015 a effacé 143,7 millions d’euros moyennant un versement de 7,3 millions, alors qu’Anil Ambani était devenu entre-temps un acteur clé du contrat indien pour les Rafale, selon le quotidien.

Dans un communiqué, Reliance a confirmé avoir conclu un accord portant sur le versement d’environ 7,2 millions d’euros au lieu de quelque 141 millions demandés par l’administration fiscale à Reliance Flag Atlantic France pour la période 2008-2012.

La demande initiale du gouvernement français “était sans fondement et complètement illégale”, alors que cette filiale enregistrait des pertes, fait valoir le groupe.

L’ambassadeur de France en Inde, Alexandre Ziegler, a déclaré qu’un accord international avait été trouvé entre les autorités françaises et Reliance Flag “dans le strict respect du cadre législatif et réglementaire qui régit cette pratique courante de l’administration fiscale”. “Il n’y a eu aucune interférence politique”, a-t-il ajouté sur Twitter.

“Ce genre d’enquête fiscale ne remonte pas au président”

“Ce genre d’enquête fiscale ne remonte pas au président”, a déclaré de son côté l’entourage de l’ancien président de la République François Hollande, sollicité par l’AFP.

“Si j’avais vu un dossier pareil, je m’en souviendrais. Je ne suis pas intervenu dans ce dossier”, a affirmé Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget à cette époque, jugeant “pas complètement impossible que d’autres ministres de l’époque, voire évidemment l’Élysée, soient intervenus sans forcément passer par le canal du secrétaire d’État au Budget”.

“Le DGFiP [directeur général des finances publiques, NDLR], à qui on avait dit que par définition il n’y avait jamais aucune intervention de notre part sur des sujets, pouvait venir nous voir en disant ‘voilà les sujets délicats que j’ai en portefeuille’ (…), or je n’ai pas souvenir qu’il ait fait remonter celui-ci dans les dossiers délicats”, a déclaré à l’AFP Michel Sapin, à l’époque ministre des Finances. “Quand un dossier ne nous est pas signalé comme étant délicat, c’est qu’il n’est pas délicat, c’est qu’il est traité de façon totalement normale”, a-t-il souligné.

Le ministère indien de la Défense a pour sa part assuré qu’aucun lien ne pouvait être établi entre l’effacement de la dette fiscale d’Anil Ambani et l’octroi du contrat d’armement. “Ni le calendrier de l’aménagement fiscal ni les raisons qui l’ont dicté ne sont liés de près ou de loin au contrat Rafale (…)”, dit le ministère dans un communiqué. “Les liens avancés entre la question fiscale et celle du Rafale sont tout à fait inexacts, tendancieux et constituent une manœuvre malveillante de désinformation.”

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