La Revue française du 24 mars

A la Une : le retour de l’horreur

Des gendarmes de l’unité spéciale française GIGN sont vus à côté d’un supermarché après une prise d’otages à Trebes, France, le 23 mars 2018.

Je ne sais pas pour vous mais je dois l’avouer, moi, j’étais un peu réticent ce matin à l’idée d’ouvrir les journaux, j’avais l’impression de savoir par avance ce que j’allais y trouver… Comme un arrière-gout amer de déjà-vu… Et ça n’a pas manqué. « Retour de terreur », titre en effet Libération, « L’attentat de l’Aude ravive la menace islamiste » affiche Le Figaro. Et quand le premier annonce sobrement en Une que « Six mois après la dernière attaque en France, un homme se revendiquant de l’Etat islamique a tué trois personnes et en a blessé seize autres hier à Carcassonne et Trèbes » Le Figaro, lui alerte : « Cette attaque sanglante témoigne que le risque terroriste n’a jamais faibli »

Et en lisant les éditos, on s’aperçoit que le sentiment de déjà-vu est vraiment partagé : « L’entreprise du fanatisme islamiste a une nouvelle fois imprimé sa marque sanglante dans la vie du pays » déplore Libé. C’est un « terrorisme du quotidien » selon Le Figaro : « La figure du criminel se précise et, comme à chaque fois, il était reperé, condamné, surveillé, radicalisé », constate le quotidien avant de poursuivre, fataliste : « Les esprits attachés au bon sens pensent que ce cauchemar aurait pu être évité mais bientôt des experts viendront leur rappeler qu’il faudra nous habituer. »

« La vie reprendra son cours et on oubliera, mais il ne faut pas oublier ! » conjure Le Figaro. Il dresse ensuite un bilan qui « hante notre inconscient » peut-on lire : « Depuis l’équipée barbare de Mohammed Merah, ils sont près de 250 victimes – soldats, enfants devant leur école, journalistes, dessinateurs, gendarmes, policiers, prêtre – à être tombés sous les balles, les bombes ou les coup de couteau des fous d’Allah ».

Mais si ce constat du Figaro semble le bon, accablant, il nous met peut-être sur quelque fausse piste quant au diagnostic

Le quotidien estime ainsi que la route du jihad croise désormais celle de l’immigration, de la délinquance, de ces ilots ou prospère dans nos banlieues, nos villes, nos provinces, une contre société salafiste. Ce « nœud complexe et explosif » comme l’appelle Le Figaro serait, selon lui, un phénomène politique et religieux dont on connait les causes. Ne pas s’y attaquer, résolument, serait accepter le devenir barbare d’un pays civilisé conclut enfin Le Figaro, qui mele donc la problématique du jihad à celle de l’immigration de la délinquance et des banlieues, mais en omettant peut-etre un ou plusieurs facteur déterminant que nous rappelle pour sa part l’édito de Libération : « Il y a en France, un terreau favorable à ces actes insensés, estime-t-il, ce terreau c’est un « mélange de relégation sociale, de nihilisme ambiant et de propagande constante organisée par les precheurs de haine » analyse le quotidien.

Libération salue ensuite le remarquable sang-froid dont fait preuve la population française dans son immense majorité. « On laissera de côté l’antienne démagogique entonnée rituellement dans certains secteurs de l’opinion, à l’extrême droite notamment, à base de mesures simplistes et contraires à l’esprit républicain ». Des mesures dont l’application n’aurait d’autre effet pour Libé que d’attiser le communautarisme et de donner raison aux fanatiques qui tentent d’encourager la répression aveugle pour se poser ensuite en martyrs.

Appel à la raison également dans le quotidien régional L’union : « L’exigence reste d’être vigilant et lucide, de ne pas se laisser gagner par la peur. C’est en vivant normalement, en étant fier de ce qu’on est, attentif à ce qui se passe autour de soi, que la paix publique, qui est l’affaire de tous, a le plus de chances d’être garantie »

Et une « figure de lumière » est en quelque sorte apparue dans ce sombre décor…

Le visage d’un homme érigé en héros. Il y avait eu notamment Lassana Bathily lors de l’attentat de l’Hyper Cacher à paris en Janvier 2015. Il y a désormais Arnaud Beltrame. La presse lui rend un hommage unanime ce matin. « Dans cette noirceur, des faisceaux d’espoir apparaissent encore » se réconforte La Charente Libre. Le Parisien lui consacre sa Une, « l’héroisme d’un gendarme face au terroriste ». Ce lieutenant-colonel de 44 ans a choisi de se substituer aux otages pour les sauver. Il a essuyé au moins trois balles tirées par l’assaillant, avant d’être hospitalisé dans un état grave relate Le Parisien. Mais la lumière n’aura pas brillé longtemps malheureusement. La nouvelle est venue du ministre de l’Intérieur tôt ce matin sur son compte Twitter : « Arnaud Beltrame nous a quittés. Mort pour la patrie. Jamais la France n’oubliera son héroisme, sa bravoure, son sacrifice » a écrit Gérard Collomb. Le déjà triste bilan qu’on peut trouver dans les kiosques à journaux ce matin n’est donc déjà plus exact. Il est encore plus triste, ce ne sont pas trois mais quatre personnes que le terroriste a ainsi tués hier dans l’Aude.

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