Pape Diouf, le parcours atypique d’un passionné du ballon rond

Le Sénégal en pleure
L’avion sanitaire affrété par l’ambassade de France était prêt à décoller pour Nice, où une place l’attendait dans un hôpital, mais des complications de l’état de santé de Pape Diouf, placé sous assistance respiratoire, ont empêché l’appareil de s’envoler. L’ancien dirigeant de l’OM s’est éteint à l’hôpital Fann de Dakar. À l’image du quotidien français, c’est le monde entier qui pleure. Pour le Sénégal, la douleur est aussi vive puisqu’il est le premier malade du Covid-19 à succomber dans le pays qui compte 175 cas à ce jour. Le président sénégalais Macky Sall a rendu hommage à une « grande figure du sport » et une « éminence grise du football », sur Twitter.
Le ministère sénégalais de la Santé avait auparavant annoncé, également sur Twitter, que le pays avait enregistré « un premier décès », celui de l’ancien patron de l’OM, confirmant une information apprise auprès d’une source familiale.

« Pape Diouf, tu pars sur la pointe des pieds, mais ton œuvre perdurera à jamais. Pape n’était pas qu’une personnalité respectée. Il était un symbole, un homme formidable et multidimensionnel. Un journaliste accompli. Un agent apprécié. Un dirigeant majestueux », écrit Youssou N’Dour.

« Comme un double signe du destin, il est décédé du nouveau coronavirus, cette pandémie qui a mis à genoux le football mondial. À Dakar, la capitale sénégalaise, Diouf était resté foncièrement ancré dans ses terres et sa tradition africaine, malgré les nombreuses années passées en France », rappelle l’Agence de presse sénégalaise. Né à Abéché, au Tchad, c’est dans les années 1990 que Pape Diouf se fait remarquer des Sénégalais à travers son premier hebdomadaire, Le Sportif, cofondé avec Mamadou Komé, son ami de toujours, enseignant au centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. L’émotion est très vive dans le pays.
Immense tristesse en France
Au-delà du Sénégal, c’est évidemment depuis la France, et Marseille tout particulièrement, que les hommages se multiplient depuis l’annonce de son décès dans la nuit du mardi 31 mars. Arrivé tout jeune dans la capitale phocéenne, il était censé embrasser une carrière militaire, comme son père, mais a vite bifurqué. Après Sciences Po, il travaille à La Poste, puis devient journaliste, à La Marseillaise, et suit assez vite l’OM. Sa connaissance du milieu du ballon rond s’affine, il devient agent de joueurs, notamment de Didier Drogba qui enflamme le Vélodrome en une saison (2003-2004), et enfin manager puis président de ce club, qu’il aimait tant et qui reste inconsolable. « Pape restera à jamais dans le cœur des Marseillais et l’un des grands artisans de l’histoire de ce club », écrit l’OM dans un communiqué, annonçant un hommage à venir sur ses médias.
« Pape a été un grand président, très performant, respectable et respecté. J’avais un profond respect pour lui, je m’associe à la peine de toute sa famille et de tous ses amis. Un grand président, un homme droit, passionné et juste » a écrit son grand rival d’alors, le numéro un lyonnais Jean-Michel Aulas, avec qui les joutes verbales furent aiguisées.

Très triste au micro de l’AFP, Jacques-Henri Eyraud, l’actuel président de l’OM, a salué le « parcours exceptionnel » d’un « gamin passé par le Sénégal avant d’arriver à 18 ans à Marseille » et d’y gravir les échelons. « Signe d’une grande volonté », Diouf « est arrivé à un poste difficile, où on ne trouve pas beaucoup d’hommes issus de la diversité », poursuit Eyraud. Diouf « a réussi à tenir son rang et défendre son club bec et ongles, et a gagné les cœurs de milliers de supporteurs », a-t-il poursuivi.

Et pour cause, consultant très écouté par les médias, Pape Diouf était très intransigeant quand il fallait défendre ses principes et ses valeurs, ce qui lui a permis d’occuper une place de choix parmi les intellectuels en France.
Dans un tweet, Pascal Boniface a rappelé sa rencontre avec le président de l’OM : « De toutes les personnes que j’ai pu connaître dans ma vie, Pape [Diouf] est un de ceux qui m’ont le plus impressionné par son humanité, sa sincérité, sa dignité et son intégrité absolue et totale. » « Il va se rétablir et continuera à nous éclairer », espérait encore le directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques en parlant de Pape Diouf, avec lequel il a coécrit De but en blanc, un livre publié en 2009 par Hachette. Un livre qui retrace l’itinéraire du natif d’Abéché. « Du Sénégal à Marseille, du métier de journaliste à celui d’agent et de dirigeant de club de foot. Ce livre est aussi une réflexion sur le football comme fait social total, sur le racisme et ce que dit le sport spectacle de notre société », lit-on dans les commentaires consacrés à cet ouvrage.

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