Pourquoi Téhéran refusera de renégocier l’accord sur le nucléaire iranien

Emmanuel Macron et Donald Trump ont annoncé mardi qu’ils souhaitaient réfléchir à un nouvel accord sur le nucléaire iranien. Une renégociation serait “contre-productive”, estime Thierry Coville, spécialiste de la République islamique.
“Un accord est un accord !”, s’est offusqué le président iranien Hassan Rohani. “Pour quoi faire ? De quel droit ?”, a-t-il réagi, mercredi 25 avril, au lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron et Donald Trump d’une possible renégociation de l’accord sur le nucléaire iranien, autre que celui scellé en 2015, à Vienne, entre Téhéran et le groupe 5+1. Rien d’étonnant pour Thierry Coville, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et auteur d’un rapport d’analyse sur les négociations avec Téhéran. “Il y a peu de chance que l’Iran accepte un nouvel accord” explique-t-il à France 24. “Comment attendre des Iraniens qu’ils fassent des concessions si les parties en face ne respectent par un texte qu’ils ont signé ?” Dans ces conditions, l’idée de renégocier avec Téhéran serait “contre-productif”, estime le spécialiste de la République islamique. “Cela donnerait un très mauvais signal, y compris à la Corée du Nord.”

L’Iran accablé par les sanctions américaines

Les Iraniens n’ont par ailleurs pas encore digéré le maintien de sanctions américaines à leur encontre et ce, malgré la levée des sanctions internationales suivant l’entrée en vigueur de l’accord de Vienne. Hassan Rohani n’a pas manqué de le rappeler, mercredi, s’adressant au Trésor américain accusé de prendre en otage la Terre entière avec ses sanctions visant les banques qui viendraient à commercer avec l’Iran. Téhéran reproche aussi régulièrement aux pays européens de céder aux pressions des Américains sur ce point.

Dans sa réaction, le chef d’État iranien s’en est également pris à Emmanuel Macron, dont la déclaration évasive aux côtés de Donald Trump n’a pas franchement permis de comprendre si le président français envisageait de remplacer l’accord conclu en 2015 par un nouvel accord ou s’il s’agissait de respecter les engagements des 5+1 et de mettre en place, en parallèle, un autre accord “plus large”.
Les missiles iraniens : une question de “souveraineté nationale”

“Depuis plusieurs mois, je dis que ça n’est pas un accord suffisant mais qu’il nous permet d’avoir jusqu’en 2025 un contrôle sur les activités nucléaires” a déclaré Emmanuel Macron à propos du texte négocié à Vienne en 2015. “On ne déchire pas un accord pour aller vers nulle part. Il faut construire un accord sur l’Iran plus large, pour la stabilité de la région”, a ajouté le président français.

L’un des points de l’accord qui pose problème au président français est le programme balistique iranien. À Washington, Emmanuel Macron a déclaré qu’il souhaitait “mettre fin aux activités balistiques de l’Iran dans la région”.

Le programme de missiles de courte et moyenne portées développé par Téhéran depuis plusieurs années est une question de “souveraineté nationale”, explique Thierry Coville. “Les Iraniens ont lancé ce programme balistique pendant la guerre Iran-Irak. À l’époque ils ont été attaqués par Saddam Hussein, l’ONU n’a pas pris leur défense et tous les Occidentaux étaient contre eux. Depuis, ils veulent avoir leur propre système de défense et pouvoir ne compter sur personne d’autre qu’eux-mêmes en cas d’attaque. Aussi, ils ne comprennent pas en quoi d’autres pays veulent avoir un droit de regard sur leur souveraineté nationale”.

Toutefois, explique le chercheur, “les Iraniens ne sont pas fermés sur la question. Il y a des éléments de négociation possible”.Il rappelle que des officiels iraniens ont accepté cet automne de limiter la portée des missiles iraniens à 2 000 kilomètres. Une concession qui permettrait de rassurer Israël, tenu hors de portée des canons iraniens en deçà de cette distance.

L’Iran tenu à l’écart des négociations internationales

Autre point sensible sur lequel Emmanuel Macron souhaite revenir lors de futures négociations : le contrôle de l’influence géopolitique de l’Iran dans la région (Yémen, Syrie, Irak et Liban). Sur cette question, “il faudrait déjà accepter de faire jouer un rôle constructif aux Iraniens dans les négociations internationales”, estime Thierry Coville. La condition préalable serait de les inviter à la table des pourparlers lorsque des réunions internationales ont lieu sur la résolution des conflits régionaux, “ce qui n’est pas toujours le cas”, rappelle le chercheur.

En attendant, le président américain, qui a plusieurs fois dit que cet accord conclu par l’administration Obama était l’un des pires jamais signés, s’est laissé jusqu’au 12 mai pour décider d’un éventuel rétablissement des sanctions économiques contre l’Iran. Il s’est même amusé de ce suspense. “Personne ne sait ce que je vais faire le 12”, a-t-il déclaré mardi. “Je pense que nous aurons une super occasion de faire un bien plus gros accord, peut-être. (…) Mais on verra. On verra si je fais ce à quoi certains s’attendent. Si oui ou non il sera possible de faire un meilleur accord, avec des fondations solides”. Téhéran n’a pas attendu le 12 mai pour réagir. En cas de rupture, l’Iran reprendra “vigoureusement” l’enrichissement d’uranium.

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