« Qu’ils peuvent être injustes avec Macky Sall ! » par MADIAMBAL DIAGNE

Le président de la République a tiré la conséquence de la condamnation en appel du maire de Dakar, pour prendre un décret de révocation – Cette décision est logique et légale.

Khalifa Ababacar Sall, édile de la ville de Dakar, a fini d’être reconnu coupable et condamné par la Cour d’appel de Dakar, à cinq ans d’emprisonnement ferme pour, entre autres infractions, «escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux en écritures publiques».

Personne ne peut dire que la main des juges est particulièrement lourde, comparativement à des sentences prononcées habituellement contre des délinquants poursuivis pour de tels chefs. Personne ne peut dire, non plus, que les faits reprochés à Khalifa Ababacar Sall et à ses complices ne sont pas avérés.

Les mis en cause reconnaissent eux-mêmes avoir fait usage de factures fictives, pour retirer indûment de l’argent des caisses de la mairie de Dakar. Il n’y a aucune contestation et mieux, le modus operandi a été bien étalé sur la place publique par les personnes concernées, au cours des différentes audiences de ce procès, aussi bien en première instance qu’en appel.

Des membres du bureau du Conseil municipal sont même tombés des nues de découvrir, à la faveur de ce procès, qu’il y avait autant d’argent qui sortait, en cash, des caisses de la mairie pour l’usage personnel et exclusif à des fins privées du maire. Donc, nul ne peut aujourd’hui se mettre devant l’opinion publique pour chercher à absoudre Khalifa Ababacar Sall des faits qui lui sont reprochés. Il n’en demeure pas moins qu’il se trouve certaines voix pour prendre la défense de Khalifa Ababacar Sall, en accablant le Président Macky Sall qui aurait dû fermer les yeux sur ce forfait.

Les défenseurs de Khalifa Sall soutiennent que le Président Macky Sall n’aurait pas dû laisser les autorités judiciaires enclencher les poursuites, parce que d’autres personnes, présumées auteurs de prévarication de ressources publiques, ne sont pas encore poursuivies ou parce que Khalifa Ababacar Sall se pose en challenger potentiel du Président Macky Sall. On avait toujours pensé que le combat des chantres de la démocratie et de la bonne gouvernance n’était pas de préconiser l’impunité pour qui que ce soit, mais plutôt de mettre la pression sur les autorités compétentes pour que tout responsable public, qui se trouverait en délicatesse avec la gestion des ressources publiques, réponde systématiquement de ses actes. Aussi, devrait-on dénier au président de la République le pouvoir de stopper des procédures judiciaires.

En d’autres termes, le combat devrait être que Khalifa Ababacar Sall soit poursuivi mais que les autres auteurs de crimes et délits contre les deniers publics répondent aussi de leurs actes. Il s’y ajoute qu’une candidature déclarée à une élection, même présidentielle, ne saurait être gage ou motif d’impunité ou d’immunité pénale. Autrement, tous les détenus provisoires, pour quelque crime ou délit que ce soit, se porteraient bien volontiers candidats à l’élection du président de la République.

Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude

On peut dire assurément que le Président Macky Sall a bon dos. En effet, une mission d’inspection a mis à nu un système de pillage systématique des ressources de la Ville de Dakar par le maire Khalifa Sall et ses acolytes, pour pomper et se partager, tous les mois, la somme de 30 millions de francs Cfa, à l’aide de fausses factures.

On voudrait que le chef de l’Etat ferme les yeux devant un tel scandale, alors que l’auteur du forfait et ses partisans continuent de toiser leur monde et d’utiliser ces ressources volées des caisses de la mairie, pour chercher à l’affaiblir. Qui à la place de Macky Sall accepterait de laisser faire ? C’est dire que Khalifa Sall a donné le bâton pour se faire battre. On ne connait pas, dans l’histoire de la politique au Sénégal ou ailleurs dans le monde, une situation dans laquelle un homme politique serait magnanime au point d’aider son adversaire à se relever, après pareil faux pas, surtout que cet adversaire, clame urbi et orbi, qu’une fois sur pied, il continuerait de le pourfendre et de travailler à sa perte. Khalifa Sall et ses partisans avaient choisi la stratégie d’imposer un rapport de forces duquel ils sortent perdants.

Toutes les démarches entreprises par des bonnes volontés pour chercher, par des moyens légaux, comme le cautionnement des sommes détournées, à tirer le maire de Dakar de cette mauvaise passe, se sont heurtées à un mur. Khalifa Sall a été encouragé dans cette posture par des personnes, qui sans doute lui veulent le meilleur, mais qui oublient que le soir, c’est seul Khalifa Sall qui dort dans sa cellule de la prison de Rebeuss.

La révocation du maire Khalifa Sall était un devoir pour Macky Sall

Le président de la République a tiré la conséquence de la condamnation en appel du maire de Dakar, pour prendre un décret de révocation. Cette décision est logique et légale, car on ne saurait envisager de laisser un jour de plus, une personnalité politique continuer de gérer des ressources publiques alors qu’elle est déjà reconnue par la justice comme coupable de prévarication de ces mêmes ressources.

Le Président Sall ferait montre de laxisme et même d’irresponsabilité en laissant Khalifa Sall à ce poste. D’ailleurs, on aurait pu reprocher à Macky Sall de n’avoir pas pris plus tôt, une mesure, même conservatoire, à l’encontre du maire de Dakar. Il avait toute la latitude de prononcer la suspension de Khalifa Abbacar Sall de ses fonctions de maire de Dakar, depuis que ce dernier avait fait l’objet de poursuites pénales, du fait de détournement de ressources de la mairie et de surcroît depuis que le maire avait été incarcéré.

Le Président Sall avait le devoir de prendre des mesures de sécurisation et de préservation des biens des Sénégalais, ceci dès même la réception du rapport de l’Inspection générale d’Etat ! Il faut dire que la loi le lui permet et les devoirs de sa charge et de ses responsabilités le lui imposaient.

Sans doute que le chef de l’Etat mettait en avant le principe du respect scrupuleux de la présomption d’innocence, mais force est de dire que le respect de la présomption d’innocence n’empêche pas de prendre des mesures conservatoires qui ne préjugeraient en rien de l’issue d’un procès. Il y a bien une pratique technique en gestion de finances publiques, qui consiste à prendre des mesures de sauvegarde au nom de «la nécessité de fermer les mains du comptable public prévaricateur».

En outre, on a pu entendre dire que le Président Sall aurait dû, avant de prendre un décret de révocation, attendre un éventuel arrêt en cassation de la Cour suprême. Cette haute juridiction attend d’être saisie mais il convient de préciser que le pourvoi en cassation n’est pas une voie de rétractation, ni une voie de réformation de la décision de la Cour d’appel. Il s’y ajoute que le président de la République, qui a le pouvoir discrétionnaire de prononcer la révocation d’un maire fautif, aurait pu le faire avant même le jugement en première instance.

La seule contrainte qui pesait sur lui, restait l’exactitude des motifs de la révocation qui, en l’espèce, ne souffre d’aucun doute. En effet, la loi portant Code des collectivités locales n’assujettit pas une telle mesure à une décision judiciaire de condamnation devenue définitive ou à l’épuisement des voies de recours judiciaires. Il demeure un principe général qu’on ne saurait en rajouter à la loi.

Au demeurant, on peut se demander pourquoi tous les chantres de la bonne gouvernance et notamment les personnalités de la société civile qui sont souvent promptes à demander la démission de tel ou tel ministre, de tel ou tel directeur, simplement accusé de faits d’indélicatesse dans la gestion de ressources publiques par la clameur publique, se sont bien gardés de demander à Khalifa Ababacar Sall de démissionner de ses fonctions de maire ? Khalifa Ababacar Sall et ses partisans avaient eu l’outrecuidance de dire, à la face du monde, qu’ils avaient fait bénéficier à des hommes politiques, des personnalités religieuses, des personnalités des médias, des arts et on ne sait qui encore, de cette bombance.

L’argent de la mairie de Dakar n’était point destiné à de pareilles dépenses. On a pu accuser le régime de Macky Sall de tous les péchés, mais personne n’a pu dire sérieusement que le dossier de l’affaire Khalifa Sall était fabriqué, monté de toutes pièces. Il aurait été pertinent et juste de la part de certains «droits de l’hommistes» et autres «Messieurs et Mesdames Bonne gouvernance», d’exiger de Khalifa Ababacar Sall de démissionner de ses fonctions de maire pour mettre à l’aise les investigations et ne pas faire courir à la procédure le moindre risque d’entrave à l’action de la justice. On pourrait bien craindre qu’un maire, poursuivi et détenu, et qui continue d’administrer sa commune avec ses proches, pourrait être tenté de maquiller des opérations ou de faire disparaître des preuves ou même de suborner des témoins.

Quid de la candidature de Khalifa Sall à la prochaine élection présidentielle ?

On vit une situation surréaliste dans l’affaire Khalifa Sall, que des avocats font en sorte que leur client continue de garder prison pour les besoins de dilatoire, afin de pouvoir permettre que les candidatures à l’élection présidentielle de 2019 finissent d’être homologuées par le Conseil constitutionnel. On ne saurait préjuger de la décision de la Cour suprême mais on ne peut pas ne pas cerner déjà ses limites. En effet, la Cour suprême aura à examiner la question de la violation de la loi appliquée par les juges du fond. Dans le cas d’espèce, le débat a fini d’être tranché par la Cour de Justice de la Cedeao, qui a fixé les limites dans cette procédure, et la Cour d’appel de Dakar s’en était scrupuleusement tenue dans son arrêt.

La Cour suprême du Sénégal est tenue de se conformer à la jurisprudence définie par la Cour de la Cedeao. Il n’y aura donc rien de nouveau à attendre du côté de la Cour suprême. En revanche, les avocats chercheront à jouer sur les délais. La loi organique sur la Cour suprême leur donne un délai de deux mois, après le dépôt du pourvoi en cassation, pour formuler leurs moyens. La partie adverse, en l’occurrence le Parquet général, aura droit à un même délai de deux mois pour son mémoire en réponse mais il ne faudrait pas perdre de vue que le parquet général de la Cour suprême a la latitude de ne pas épuiser tout le délai qui lui est imparti par la loi.

En d’autres termes, une diligence ou une certaine célérité permettra à ce que l’affaire Khalifa Sall finisse d’être totalement vidée sur le plan judiciaire, avant la prochaine élection présidentielle. Mieux, la loi sur la Cour suprême donne au Premier président de la cette haute juridiction, le pouvoir discrétionnaire de prendre une ordonnance pour raccourcir les délais de dépôt de mémoires, à 15 jours, notamment quand il aura une claire lecture de la situation, que les avocats, de l’une ou l’autre partie, chercheraient à faire du dilatoire.

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