Retour sur l’affaire des 94 milliards

Je voudrais revenir sur cette affaire pour apporter un supplément de réflexion. Cette affaire, selon ce que j’ai compris de la version du candidat Sonko, porte sur un litige foncier. Donc quand le candidat Sonko parle de détournements de deniers publiques, cela réfère, toujours selon sa version, à ceci qu’un fonctionnaire du Service des Impôts et Domaines a tranché l’affaire de sorte que l’Etat paye à une partie prenante du litige, un montant indu de 94 milliards alors qu’une autre partie en droit de recevoir des indemnités a été laissée en rade. De plus, ce fonctionnaire aurait fait payer par l’Etat, donc à travers les deniers publics, un montant surestimé à la partie qui aurait été favorisée.

Si ma compréhension de la version du candidat Sonko est correcte, je trouve prématuré de parler de détournement de deniers publics surtout que celui-ci serait partie prenante de ce litige à travers une structure d’expertise fiscale.

A mon sens, il aurait suffi de parler d’arbitrage qui ne serait pas équitable ni légal car n’ayant pas respecté les procédures internes du service en question. A ce niveau, il se poserait des problèmes que le candidat Sonko a mentionnés et qui relèvent d’une enquête administrative.

En effet, il faudrait prouver que cet arbitrage qui est prévu dans les procédures internes à ce service a permis à ce fonctionnaire mentionné dans l’affaire de s’approprier des sommes indues. Il ne suffit pas à mon sens, je ne suis pas juriste, de considérer que l’arbitrage a été en défaveur d’une partie pour en conclure que l’arbitre a détourné de l’argent publique, c’est-à-dire, dans ce cas précis : faire payer par l’Etat des sommes indues à une partie pour y mettre la main.

Pour arriver à une telle conclusion, le cas échéant, il faut dire à l’opinion publique, en quoi le fonctionnaire qui a arbitré le litige, à travers cette commission de réconciliation, s’est ou pourrait s’approprier une partie du paiement qui serait illégal et indu.

Ce sont ces éléments qui me font penser que seule une enquête administrative peut établir la vérité des faits dans cette affaire. Maintenant, aux juristes de nous dire est-ce qu’une partie impliquée dans cette affaire peut demander une enquête administrative pour ce genre de litige et si l’IGE et la Cour des Comptes pourraient entrer en action. Et si la réponse est oui, ne faudrait-il pas un mandat de l’exécutif pour cela, or le fonctionnaire en cause appartenant au parti au pouvoir, les choses pourraient être compliquées…Et toujours si oui et au cas où le fonctionnaire serait épinglé, la sanction reste dans le pouvoir discrétionnaire de l’exécutif…

Du côté de l’OFNAC, il me semble que la saisine est possible pour ce cas et le candidat Sonkonous dit avoir fait la procédure. Seulement, il nous dit que cette structure est la seule à avoir réagi sans nous donner plus de détails : qu’est- ce que cette structure a répondu ? Aussi, pour le procureur, l’IGE, la Cour des Comptes, y a-t-il eu des réponses ou un silence de plomb ?

Je redis encore que cette affaire des 94 milliards et d’autres qui sont traitées à travers des procédures internes à un service pose un problème de fond : il faut les évaluer régulièrement pour s’assurer de leur caractère équitable et transparent, voir est-ce que le fonctionnaire qui arbitre n’est pas impliqué dans un conflit d’intérêt, qu’il ne jouit pas d’une position telle qu’il puisse faire un trafic d’influence, etc. A notre humble avis, il faudra éviter, et cela vaut pour tout le monde, de donner exprès des informations partielles, partiales et partisanes dans ce genre de questions quand on pense qu’elles relèvent de l’intérêt publique.

En tout cas, même si on n’est pas juriste, on peut se poser la question à savoir, comment se fait-il qu’au Sénégal, le système politico-administratif permette ou ne puisse empêcher que des gens qui ont passé une grande partie ou toute leur carrière professionnelle dans la fonction publique soient parmi les plus riches du pays. Cela ne se fait pas dans les pays exemplaires en matière de bonne gouvernance ou tout au moins quand cela arrive, il s’en suit des conséquences fâcheuses pour l’individu concerné.

C’est aux organisations de la société civile d’impulser et de suivre ce genre de questions pour que les politiques se rendent compte de l’importance de la question. Les populations qu’ils aspirent à gouverner ne leur demandent pas des miracles mais juste de mettre en place les conditions requises pour une gestion juste et transparente des affaires de la cité. Et si c’est trop leur demander, c’est qu’ils ne méritent pas la confiance du peuple mais veulent juste accéder au pouvoir pour accomplir les sales besognes de « jiiroo », « siif » ; « keuf » et « fokhartchi » comme j’ai entendu le défunt professeur Amadou Aly Dieng le dire.

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