REVUE DE PRESSE FRANÇAISE A la Une: Emmanuel Macron écrit aux Français

« Deux jours enfermés dans son bureau élyséen. Et prière de ne pas déranger, s’exclame Le Parisien. “Il travaille sa lettre, peaufine le moindre détail. Chaque mot compte”, explique en plein cœur du week-end un proche d’Emmanuel Macron. Ce dimanche soir, le chef de l’Etat a fini par envoyer sa “lettre aux Français” aux rédactions. »

Une lettre bien évidemment publiée par presque tous les quotidiens ce matin. « 2 335 mots précisément, pour justifier son projet présidentiel, réaffirmer sa capacité à réformer. Et inviter chacun à prendre la parole. » En effet, poursuit Le Parisien, « empêtré depuis des semaines dans la crise des Gilets jaunes, le président de la République entend reprendre la main en s’adressant donc directement aux Français par cette missive. Et il veut donner les contours du grand débat national qu’il lance ce mardi et pour deux mois. »

Alors, « fiscalité, institutions, transition écologique… dans sa lettre aux Français, le chef de l’Etat pose une trentaine de questions et tente de cadrer la consultation nationale qui s’ouvre demain. Une démarche suffisante pour sortir de la crise ? », s’interroge Libération.

« Périlleux », pointe le journal. « Avec cette adresse aux Français, le chef de l’Etat est en fait candidat… à sauver les trois ans qu’il lui reste à passer à l’Elysée. L’humilité du style, la simplicité du vocabulaire, le ton direct et concret des questions qu’il suggère d’aborder d’ici la mi-mars en disent long sur l’urgence pour Emmanuel Macron à renouer avec les Français. L’arrogant Jupiter tente avec ce texte de se mettre à hauteur de rond-point. Moins vertical, plus horizontal. […] La parole est donc libre, mais “en même temps” pas trop. L’exercice est d’autant plus périlleux que l’humeur du pays reste plus que grincheuse. »

La rationalité est-elle encore possible ?

« Face à des maux brûlants, les mots du président sont-ils pertinents ? », s’interroge Guillaume Tabard dans Le Figaro. « Il serait naïf de croire que ce débat réglera à lui seul les problèmes. “Nous ne serons pas d’accord sur tout, c’est normal. Mais au moins montrerons-nous que nous sommes un peuple qui n’a pas peur de parler, d’échanger, de débattre”, veut croire le chef de l’État. Mais, relève le quotidien de droite, le mal français n’est pas d’être en désaccord sur les idées ou sur les solutions, mais de ne pas donner le même sens aux mots, de ne pas croire à la bonne foi de qui pense autrement que soi, de ne pas reconnaître à l’autre le droit à la parole. Cette lettre présidentielle fait le pari du débat rationnel. À l’heure des réseaux sociaux où le seul registre autorisé est celui de l’indignation, la rationalité est-elle encore possible ?, s’interroge Le Figaro. Le climat national est tellement éruptif que ce simple pari du dialogue n’est pas gagné d’avance. Ce n’est pas une raison pour ne pas le tenter. »

Perte de crédibilité ?

Comment passer des « colères » aux « solutions » ?, s’interroge La Croix en écho : « le chef de l’État s’appuie certes sur toute la légitimité d’un pouvoir élu, sur la force que lui donne une majorité écrasante à l’Assemblée nationale et sur le soutien de tous ceux qui, en France, refusent le désordre. Et sur la conviction partagée que son ambition réformatrice est la bonne. Mais, estime le quotidien catholique, il lui manque dans ce contexte précis, à cause de ses errements passés, la crédibilité nécessaire pour convaincre qu’il va vraiment lutter contre les fractures sociales et territoriales en France. D’où le fort scepticisme que sa lettre n’éteindra sans doute pas. La charge de la preuve appartient maintenant à l’exécutif. Par la qualité de son écoute et par des engagements dans la prise en compte de ce qui va s’exprimer, conclut La Croix, Emmanuel Macron peut encore parvenir à sortir son mandat de l’étau de la puissante contestation et des lourdes contraintes budgétaires. Pour transformer “les colères en solutions”. »

Provocation ?

Non, estime pour sa part L’Humanité, qui a choisi de ne pas publier la lettre d’Emmanuel Macron : « cette lettre ne peut être reçue que comme une provocation. […] Pas un mot sur les salaires, le pouvoir d’achat, mais l’affirmation qu’il ne rétablira pas l’ISF. Comble de l’affront, il invite les citoyens à choisir les services publics qu’il faudrait supprimer en échange d’une baisse d’impôts. À croire que l’exécutif n’a toujours pas compris l’ampleur de la révolte, une fronde des pauvres contre les riches, de gens contraints à toute une vie d’efforts contre ceux qui pillent le produit de leur travail. »

En tout cas, estime La Montagne, « le président joue gros. Il devra en effet donner un débouché politique à la consultation pour que les Français qui ont allumé les braseros des ronds-points constatent un changement. C’est à l’aune de cette sortie que sera jugée la réussite, ou constaté l’échec du grand débat, et dont dépend la suite du quinquennat d’Emmanuel Macron. »

Des journalistes agressés

A la Une également, en marge des manifestations des Gilets jaunes, les agressions de journalistes se multiplient…

« La détestation des médias, ingrédient majeur de la colère des gilets jaunes depuis deux mois, ne faiblit pas, pointe Libération. Elle semble même se renforcer. Jusqu’où ?, s’alarme Libération. Samedi, une équipe de LCI, la chaîne d’information en continu du groupe TF1, a peut-être échappé à un drame à Rouen. Après avoir essuyé des huées et des insultes, elle a été attaquée physiquement par plusieurs manifestants. L’un des deux agents de sécurité qui accompagnaient les journalistes de la télévision a été violemment frappé au sol. Exfiltré par des gilets jaunes qui s’étaient interposés, il a eu le nez fracturé. »

« La critique des médias est aussi vieille que la presse elle-même, rappelle pour sa part Le Figaro : “peuple” ou “élite” ont toujours eu le goût de critiquer les journalistes, “vendus” pour les uns, “superficiels et approximatifs” pour les autres. Ce qui dans la crise des gilets jaunes est saisissant, relève le journal, est que ces deux critiques fusionnent et s’appliquent à un seul et même objet. Les gilets jaunes accusent les médias d’être au service du gouvernement, alors que les macronistes se désolent que ces mêmes médias laissent table ouverte aux manifestants. »

Vendredi dernier, dans une tribune publiée par Le Monde, Vincent Lanier, secrétaire général du Syndicat national des journalistes, affirmait : « cette haine ne vient pas de nulle part. Elle est le résultat des écarts verbaux d’une bonne partie du personnel politique, qui est allé beaucoup trop loin ces derniers mois dans le “médiabashing”, dans une sorte de “trumpisation” du débat public, à l’image de certains élus de la République ou de certaines personnalités politiques, pas tous adeptes fervents de nos principes démocratiques, qui continuent à souffler sur les braises, à nier ou justifier les violences actuelles. »

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