REVUE DE PRESSE FRANÇAISE DU 10 AVRIL

A la Une: Washington et Paris vont-ils frapper la Syrie ?

Question posée par la presse ce matin après l’attaque chimique lancée par les forces syriennes ce week-end contre la ville de Douma dans la banlieue de Damas.

Libération exprime toute sa colère, avec cette photo en Une, pleine page, d’un petit garçon mort, la bouche et le nez couverts de bave, symptôme évident d’un décès par asphyxie à l’arme chimique.

« Les photos qui nous parviennent de Douma sont insoutenables, s’exclame le journal. Comme elles l’étaient il y a un an lorsque nous avions montré en Une ces ‘enfants d’Assad’ morts gazés. Combien de Unes de la presse mondiale faudra-t-il, s’emporte Libération, pour convaincre les démocraties occidentales de stopper la fuite en avant mortifère du fou de Damas ? (…) Américains et Français risquent de mener des frappes ciblées sur la Syrie en rétorsion de l’attaque de Douma, et ils auront raison, lance Libé, même s’il est trop tard : Donald Trump l’a déjà fait il y a un an ; et Emmanuel Macron est trop soucieux de sa posture internationale. Si la diplomatie a encore un sens, conclut Libération, c’est maintenant qu’elle doit jouer à plein, pour désamorcer la réaction des Russes, nouveaux maîtres de la Syrie. »

Réponse forte ?

Hier, des missiles se sont abattus sur une base de l’armée syrienne… Les Américains et les Français ont nié avoir lancé des frappes. « A ce stade, affirme Le Monde, l’hypothèse la plus probable est celle d’une opération de l’armée israélienne. Il n’en reste pas moins, souligne le quotidien du soir, que le carnage de Douma, avec son cortège d’images de femmes et d’enfants manifestement asphyxiés, met aussi bien Washington que Paris sous pression. Emmanuel Macron et Donald Trump se sont entretenus dimanche soir afin, selon la présidence française, de ‘coordonner leurs actions et leurs initiatives au sein du Conseil de sécurité des Nations unies’. Ils sont convenus de la nécessité d’une ‘réponse forte’, a fait savoir la Maison blanche. ‘De nombreux morts, y compris des femmes et des enfants, dans une attaque chimique insensée en Syrie’, avait tweeté dimanche Donald Trump, qui a pointé du doigt la ‘responsabilité’ de la Russie et de l’Iran, qualifiant Bachar el Assad d’’animal’. »

Alors les Etats-Unis vont-ils frapper le régime syrien ? Certains politiques américains le souhaitent… Comme le sénateur républicain de Caroline du Sud, Lindsey Graham, cité par Le Monde : « si le président ‘ne tire pas les conséquences et s’il ne répond pas aux attentes créées par ce Tweet, il aura l’air faible aux yeux de la Russie et de l’Iran’. »

Quel scénario ?

Pour ce qui est de la France, « Macron va-t-il frapper la Syrie ? », s’interroge Le Parisien. « S’il est prouvé que le régime d’Assad a encore utilisé des armes chimiques contre son peuple, le président pourrait, comme il l’a promis, déclencher l’option militaire face au raïs sanguinaire », répond le journal. « Moins de 24 heures suffiraient à mettre en œuvre un scénario militaire, affirme Le Parisien. Emmanuel Macron ne déclarait-il pas il y a un mois que, une fois la preuve irréfutable en poche, il donnerait son feu vert à des frappes ciblées ? »

Pour Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique, cité par le journal, « ‘l’hypothèse la plus probable est celle d’une action conjointe franco-américaine, peut-être avec une participation des Anglais’. Deux options sont possibles selon lui. ‘Soit un ou plusieurs raids punitifs de missiles téléguidés depuis des navires de guerre ou des chasseurs bombardiers. Soit une opération plus vaste visant les centres de commandement du raïs de Damas’. (…) En tout cas, les plans d’attaque sont prêts, comme l’a rappelé récemment le chef d’Etat-major des armées, le général Lecointre. »

Toutefois, le géo-politologue Didier Billion, toujours cité par Le Parisien, prévient : « une aventure militaire serait la pire des erreurs. Avec le veto stratégique des Russes, l’ONU ne validera jamais de telles représailles. Et de toute façon, ça ne résoudra pas la crise syrienne. »

Alors, s’interroge Le Parisien, « Macron déclenchera-t-il sa première guerre ? En plein tumulte social, des grincheux y voient déjà une possible diversion. Il n’empêche, stopper le massacre en Syrie est un impératif moral trop longtemps différé. Le jeune président est seul face à cette lourde responsabilité. »

Notre-Dame-des-Landes : la fermeté du gouvernement

A la Une également, en France, l’évacuation hier d’une partie des occupants du site de Notre-Dame-des-Landes…

Le Figaro applaudit : « en chassant les occupants de Notre-Dame-des-Landes, non sans avoir reculé sur la construction de l’aéroport, le gouvernement a rappelé que la France est un État de droit. Elle ne saurait se laisser dicter sa loi par une minorité. Après les multiples atermoiements du quinquennat Hollande, il était urgent de le réaffirmer avant que les zadistes ne tentent de s’emparer d’autres projets d’aménagement. Cette même autorité doit prévaloir, estime encore Le Figaro, dans les universités prises en otages et dans tous les territoires perdus de la République. Il est impératif qu’elle s’exerce aussi face aux cheminots. D’une autre manière, évidemment. Mais l’enjeu est le même : le refus du déclin. »

Pour L’Alsace, « avec le début de la dispersion des occupants de Notre-Dame-des-Landes, hier dès potron-minet, le chef de l’État a voulu donner un signal aux autres contestataires. Pour cela, il a mis les moyens. (…) On ignore comment évoluera la grève de la SNCF, sans même parler du blocage des universités. Le message aux opposants à la transformation du pays est cependant clair, pointe le quotidien alsacien : le gouvernement ne cédera pas à la rue, comme ses prédécesseurs de droite et de gauche. »

En effet, renchérit La Montagne, « cette contre-offensive doit être appelée par son nom : une riposte. À la fois pour ne pas obérer la suite des réformes possibles et tenir une promesse, celle d’un pouvoir totalement différent de ceux des quinquennats passés. Mais il y a un risque pour Emmanuel Macron, estime La Montagne, celui de trop oublier le socle électoral qui l’a porté à l’Élysée : à savoir la gauche réformiste. »

Offensive médiatique

Enfin, L’Humanité, pour sa part, dénonce l’offensive médiatique du pouvoir, orchestrée, selon le journal, avec la complicité des grands médias : « engagée avec les rodomontades du Premier ministre dans le Journal du dimanche, la semaine va se poursuivre avec l’annonce en boucle de la prestation du président, jeudi, dans le 13 H de TF1, dans un simulacre aux grosses ficelles de proximité avec la ruralité, puis avec les commentaires de cette dernière, puis l’annonce en boucle de son autre intervention, dimanche, sur BFM, RMC et Mediapart, puis les commentaires à n’en plus finir. C’est un tir de barrage dans la plus détestable tradition du genre, dénonce L’Humanité. Une confiscation de parole. Un déni démocratique auquel l’opinion est appelée à faire face. »

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