En Allemagne, un nouveau parti d’extrême droite reprend un symbole nazi

La scène politique allemande compte un nouveau venu. L’ADP, qui puise son inspiration dans le symbolisme nazi, a été fondé par André Poggenburg, l’une des figures les plus extrémistes du mouvement populiste Alternative für Deutschland.

Un bleuet a plongé l’Allemagne dans l’émoi. Cette fleur apparaît sur le logo d’un nouveau parti, l’ADP (Aufbruch deutscher Patrioten – Renouveau des patriotes allemands), fondé, vendredi 11 janvier, par André Poggenburg, une star déchue du mouvement populiste Alternative für Deutschland (AfD). Une manière d’inscrire cette nouvelle formation très à droite de la droite de l’échiquier politique allemand.

La référence florale n’a, en effet, pas échappé aux Allemands. Le bleuet a été le symbole de reconnaissance pour les nazis autrichiens dans les années 1930. L’ancien leader de l’extrême-droite autrichienne, Jörg Haider, s’était même fait épingler par la Cour constitutionnelle autrichienne en 1997 pour avoir porté un bleuet à sa veste lors d’une apparition à la télévision.

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Un radical parmi les radicaux

Le créateur de l’ADP est un habitué des provocations chargées de références historiques lourdes de sens. André Poggenburg, 43 ans, n’hésite jamais à glisser un “Heimat” (patrie) ou “Volk” (peuple) – deux mots très en vogue durant le IIIe Reich – dans ses discours ou tweets. Ainsi sur Twitter, il a tenu à souhaiter “aux citoyens de notre ‘communauté du peuple’, une année 2019 pacifique et patriotique”, le 31 décembre 2018, reprenant une notion intimement lié au national-socialisme.

Même au sein de l’AfD, pourtant abonné aux dérapages racistes, André Poggenburg faisait partie de la frange la plus radicale. Novice en politique, il s’occupait d’une petite entreprise de réparation et dépannage avant de rejoindre l’AfD en 2013, ce qui a contribué à le rendre indispensable au mouvement. Il incarnait, ainsi, cette image de parti du peuple que la formation aime à véhiculer malgré le fait que la plupart de ses cadres font partie de la classe aisée allemande, rappelle le quotidien Die Welt.

Et il a surtout été responsable de la première percée électorale significative de l’histoire de l’AfD. Propulsé à la tête du parti dans le Land de Saxe-Anhalt en 2014, il a obtenu deux ans plus tard 24,3 % des voix lors des élections régionales. Il était alors devenu une star du mouvement populiste, tout en incarnant aux yeux des médias les pires dérives extrémistes de l’AfD.

Sa propension aux dérapages et à la rhétorique anti-immigrés pleinement assumée ne faisait pas non plus l’unanimité à l’intérieur du parti. Plusieurs membres ont claqué la porte du mouvement, dénonçant ses prises de position trop outrancières, a raconté le quotidien Die Zeit en 2016. Ils ne lui ont, notamment, pas pardonné d’être apparu sur scène aux côtés du journaliste, théoricien du complot et militant d’extrême-droite revendiqué, Jürgen Elsässer, en 2015.

“Marchands de chameaux” et “vendeurs de cumin”

Mais le parti a longtemps toléré ses provocations. Jusqu’en mars 2018, lorsqu’André Poggenburg a prononcé un discours au cours duquel il s’était lancé dans une diatribe contre les Turcs, les qualifiant de “marchands de chameaux” et “vendeurs de cumin” qui trainent un “génocide d’1,5 million d’Arméniens au cul”. Pour la direction de l’AfD, cela a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. D’autant plus qu’André Poggenburg reprochait de plus en plus ouvertement à sa famille politique de mettre de l’eau dans son vin politique et de flirter avec l’idée de devenir une “CDU 2.0”. Il est alors prié de quitter la tête de l’AfD en Saxe-Anhalt.

Le divorce est consommé, mais il faudra près d’un an à celui qui se qualifie de “national-conservateur” pour plier bagages et fonder l’ADP. Pour Der Spiegel, cette dissidence est une aubaine politique pour l’AfD, car “elle va permettre au parti de prétendre qu’il se débarrasse de ses membres les plus extrémistes”. Surtout que dans cette quête d’une respectabilité politique, le parti populiste n’a pas grand-chose à craindre de cette nouvelle formation issue de sa cuisse droite, d’après le politologue Oskar Niedermayer. “Pour représenter un danger, il faudrait que toute l’aile radicale de l’AfD suive André Poggenburg, ce qui ne semble pas être le cas”, assure-t-il au quotidien Die Welt.

En l’absence d’autres défections, la création de l’ADP risque surtout de passer, aux yeux de l’opinion, pour une opération de com’ personnelle d’un politicien qui cherche à rebondir après avoir été mis au placard par son parti.

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